Photographies des différentes commémorations sous le texte de Gérard Mattera.
Quel aurait été le destin de la France si Jean Jaurès n’avait pas disparu le 31 juillet 1914, il y a cent ans aujourd’hui ?
Depuis ce jour, son spectre hante notre histoire.
Jean JAURES fut assassiné par Raoul Villain, ce proche des milieux monarchistes et d’extrême-droite qui voulait tuer celui qui s’opposait avec force au déchaînement de la guerre et de ses atrocités. Il a voulu et a tué celui qui était l’espoir d’un règlement pacifique du conflit, conflit qui allait être l’un des plus meurtriers du vingtième siècle.
Jean Jaurès aujourd’hui est pour nous le symbole de la lutte contre la guerre, contre les guerres. Il serait le premier à dénoncer ouvertement le silence complice de la diplomatie française, des grands dirigeants de l’Union Européenne et du monde face aux crimes de guerre commis par le gouvernement Netanyahou envers la population dans la bande de Gaza.
Il est aussi celui qui s’empara de la question sociale pour faire de la République le régime de tous par tous, le socialisme.
Et pourtant, cela n’était pas si évident car Jean Jaurès aurait pu avoir un tout autre destin. Il est né en 1859 à Castres dans une famille de la petite bourgeoisie, quelque peu déclassée par un retour à la terre. Mais il disposait d’appuis et de soutiens dans les milieux républicains ; élève brillant, il intègre l’école normale supérieure, il est le meilleur de sa génération et est promis à un brillant avenir au sein de l’élite républicaine.
En 1885, il est élu député à 26 ans, le plus jeune de la Chambre ; ses premiers engagements le sont aux cotés de Jules Ferry et des républicains modérés, il est alors moins à gauche que Clémenceau qui par exemple condamne la colonisation.
Mais Jaurès est un républicain sincère qui croit à la Raison (avec un grand R), qui cherche à analyser les événements. Il va les vivre et les affronter avec courage. En 1892, il est scandalisé quand le propriétaire de la mine de Carmaux veut renvoyer un de ses ouvriers qui a été élu maire de cette commune contre son gendre. Jaurès se lance dans cette grande campagne de mobilisation pour obtenir la réintégration de Jean-Baptiste CALVIGNAC, fait le lien avec Paris, intervient dans la presse et gagne.
Dans le prolongement de cette affaire, il gagne l’élection législative partielle qui suit immédiatement. Ce fut le premier affrontement de classe pour cet enfant de la République. Il est à nouveau élu lors des nouvelles élections générales de 1893.
A partir de cette date, il s’engage de plus en plus dans le camp du socialisme et de la classe ouvrière, il démultiplie son activité journalistique, est présent partout pour soutenir la cause de ceux qui travaillent. C’est ainsi qu’en 1896, il soutient les verriers d’Albi et apporte tout son soutien à la création de leur coopérative.
Mais il est aussi l’homme de la lutte contre toutes les injustices.
En 1898, il s’engage dans la défense de Dreyfus accusé et condamné parce que juif. Jaurès ne fut pas le premier de ses soutiens et a cru c omme beaucoup à sa culpabilité, mais devant les faits il s’engage à fond et intervient à l’Assemblée.
C’est lui qui relancera plus tard la mobilisation pour obtenir l’annulation du jugement car il ne voulait pas se contenter d’une grâce octroyée d’en haut.« Je ne vous oublierai pas avait-t-il dit à Dreyfus », il tint une nouvelle fois sa promesse.
C’est à propos de l’affaire Dreyfus et de la place que devait tenir la campagne de mobilisation dans l’action des socialistes que Jaurès débat avec Jules Guesde, l’autre grand dirigeant socialiste de l’époque.
Fallait -il que les socialistes s’engagent dans la défense de ce Dreyfus issu des mil ieux bourgeois et militaires ou fallait-il donner la priorité seulement à la question sociale ? Pour Jaurès, le socialisme était l’accomplissement de la justice, il ne fallait donc accepter aucune injustice. Malgré leurs désaccords et sous les auspices de l’Internationale socialiste, Guesde et Jaurès engageront l’unification de tous les courants socialistes pour créer la SFIO en 1905.
Il est aussi un des principaux artisans de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat et quoi qu’on en dise parfois, fonde aujourd’hui notre vivre ensemble.
Il sut là trouver la voie d’un compromis mais d’un compromis de progrès, une loi qui permette à tous de se retrouver dans le respect de la liberté de conscience et de la neutralité de l’état en matière religieuse.
Oui Jaurès avait le sens du compromis mais à l’inverse de ce que l’on peut entendre dans la voix de nos gouvernants, ce n’était pas pour accepter ou faire accepter des régressions sociales mais bien pour changer la société avec toujours cette visée progressiste chevillée au corps.
En 1910, il œuvre ainsi pour les retraites ouvrières premiers pas vers une sécurité sociale. S’il n’a jamais participé au pouvoir il a toujours pensé que les révolutionnaires devaient prendre toute leur responsabilité mais à condition d’aller vers du mieux et non pour accepter les pires reculs au nom du réalisme et de l’impuissance politique. Ces réformes, il les rattache donc à un horizon car pour lui ce sont des réformes révolutionnaires qui préparent et introduisent même au sein du capitalisme, des formes de socialisme, de communisme.
Et quand Jaurès perd des élections, il n’en rabat pas pour gagner la fois d’après. C’est un homme de convictions et ce sont elles qui fondent son engagement.Mais Jaurès n’est pas qu’un parlementaire, il est aussi un journaliste de plus en plus engagé de la Dépêche du midi en passant par la petite République jusqu’à l’Humanité qu’il fonde en 1904. L’Humanité, son journal, notre journal qu’il veut socialiste et indépendant et qui lui permettra d’intervenir dans tous les débats et surtout ceux de la paix et de la guerre.
Alors suffirait-il aujourd’hui de revenir à Jaurès ?
Observons d’abord qu’à gauche, ils ne sont plus très nombreux ceux qui au parti socialiste s’en réclament.
Le Président et le premier ministre n’en font pas leur principale référence, Valls lui préférant Clémenceau mais le Clémenceau de la répression antisociale et du jusqu’au-boutisme guerrier.
Pour les communistes, Jaurès reste une référence majeure : Nous y voyons d’abord la morale en politique quand celle-ci est souvent disqualifiée aux yeux de nos concitoyens par les affaires quelles soient Cahuzac, Sarkozy ou autres…..
Alors bien sûr, le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de Jean Jaurès. Mais nous avons besoin d’inscrire le combat pour l’émancipation humaine dans un récit et ce récit passe par la mémoire ineffaçable de Jean Jaurès. Il fut l'honneur de la gauche, l’honneur du socialisme et au moment où ces mots deviennent des gros mots, il faut les répéter sans relâche. Nous les communistes, nous en sommes les continuateurs, pas que de Jaurès évidemment mais de Jean Jaurès aussi.Honneur et postérité à Jean JAURES, aujourd’hui et demain !
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